
Faire le trajet Montréal-Québec par le Chemin du Roy, c’est choisir de voyager dans le temps plutôt que dans l’espace.
- Le gain en patrimoine, en saveurs et en paysages dépasse largement la « perte » de temps par rapport à l’autoroute.
- Cette route n’est pas un simple tracé, elle est le récit à ciel ouvert du régime seigneurial et de la naissance du Québec.
Recommandation : Planifiez au minimum une journée complète pour véritablement lire le territoire, pas seulement le traverser.
Chaque voyageur faisant la liaison entre Montréal et Québec se heurte au même dilemme : l’efficacité rectiligne de l’autoroute 40 ou la promesse sinueuse et pittoresque de la route 138, le légendaire Chemin du Roy. Pour beaucoup, le choix se résume à une simple balance entre le temps gagné et la beauté des paysages. C’est une vision juste, mais terriblement incomplète. En tant qu’historien, je vous propose de voir ce trajet non pas comme un déplacement, mais comme une translation dans le temps.
La question n’est plus de savoir si l’on est prêt à « perdre » deux heures, mais si l’on est prêt à en gagner 300 ans. Le Chemin du Roy n’est pas une simple alternative routière ; c’est une machine à remonter le temps, un livre d’histoire à ciel ouvert dont chaque clocher est un chapitre et chaque virage une page tournée. Il nous invite à une lecture vivante du territoire, à déchiffrer les traces du régime seigneurial qui a façonné le paysage québécois et à comprendre comment la vie s’est organisée le long du Saint-Laurent, bien avant que le bitume ne devienne roi.
Cet article n’est donc pas un simple guide. C’est une invitation à troquer votre montre contre une boussole historique. Nous allons décortiquer ensemble le véritable coût – et surtout le gain – de ce choix, identifier les haltes qui transforment un simple arrêt en une leçon d’histoire, dénicher les saveurs ancestrales qui ponctuent la route et vous donner les clés pour conclure ce périple en apothéose, au cœur du berceau de l’Amérique française, le Vieux-Québec.
Pour vous guider dans cette épopée temporelle, voici les étapes clés de notre voyage. Chaque point est une escale pensée pour enrichir votre parcours et faire de ce trajet une expérience inoubliable, bien au-delà d’un simple déplacement entre deux métropoles.
Sommaire : Votre itinéraire sur la première route carrossable de la Nouvelle-France
- Autoroute 40 vs Chemin du Roy : combien de temps réel perdez-vous (et qu’y gagnez-vous) ?
- Deschambault ou Cap-Santé : quel village prioriser pour une halte photo ?
- Sanctuaire de Notre-Dame-du-Cap : pourquoi s’y arrêter même si vous n’êtes pas croyant ?
- Les 3 boulangeries ancestrales où s’arrêter entre Trois-Rivières et Québec
- Pourquoi faire le Chemin du Roy en automne offre les meilleures couleurs du corridor fluvial
- L’erreur d’entrer en voiture dans les remparts en plein mois de juillet
- Pourquoi cette région est-elle le berceau du concept des Arrêts Gourmands ?
- Comment visiter le Vieux-Québec à pied sans rater les trésors cachés de la Basse-Ville ?
Autoroute 40 vs Chemin du Roy : combien de temps réel perdez-vous (et qu’y gagnez-vous) ?
Abordons d’emblée la question qui taraude l’esprit pragmatique : le temps. Oui, sur le papier, le choix est sans appel. L’autoroute 40 promet un trajet d’environ 2h30, tandis que le Chemin du Roy, avec ses villages à traverser et sa vitesse réduite, demande au bas mot 4h30. Mais cette comparaison est un leurre, car elle mesure deux expériences incomparables avec le même outil. L’un est un transit, l’autre un voyage. Le véritable enjeu n’est pas le temps « perdu », mais la richesse gagnée à chaque minute supplémentaire investie.
Le Chemin du Roy est la première route carrossable construite pour relier Montréal et Québec, un projet colossal lancé en 1731. Emprunter ses 280 kilomètres, c’est suivre les pas des premiers colons, des postillons et des voyageurs de la Nouvelle-France. Pour le vivre pleinement, il faut d’ailleurs prévoir entre un et quatre jours. Le tableau suivant met en perspective non pas des chiffres, mais deux philosophies du voyage.
| Critères | Autoroute 40 | Route 138 (Chemin du Roy) |
|---|---|---|
| Distance | 250 km | 280 km |
| Temps normal | 2h30 | 4h30 – 5h |
| Villages traversés | 0 | 26 villages historiques |
| Points de vue fleuve | 0 | Plus de 15 |
| Arrêts gourmands | Aires de service | Fermes, vignobles, boulangeries |
| Patrimoine historique | Aucun | Églises, moulins, maisons seigneuriales |
Ce tableau, inspiré des données fournies par les promoteurs de la route, illustre que le gain n’est pas mesurable en heures, mais en expériences. Chaque village traversé est un musée à ciel ouvert, chaque point de vue sur le fleuve un rappel de son importance vitale, et chaque arrêt gourmand une immersion dans un terroir séculaire. Choisir la 138, ce n’est pas perdre 2 heures, c’est en gagner 300 ans d’histoire.
Deschambault ou Cap-Santé : quel village prioriser pour une halte photo ?
Le long du Chemin du Roy, les villages-relais se succèdent, chacun avec son clocher et ses maisons ancestrales. Parmi eux, Deschambault-Grondines et Cap-Santé, tous deux membres de l’Association des plus beaux villages du Québec, représentent des haltes incontournables. Mais si le temps vous est compté, lequel choisir pour la pause photo parfaite ? La réponse dépend de ce que votre œil d’historien ou d’artiste recherche.

Cap-Santé est un poème de pierre. Son église Sainte-Famille, classée monument historique, domine le paysage avec une majesté qui impose le respect. Pour l’amateur d’architecture sacrée monumentale, c’est une destination en soi. Le village, avec ses maisons de pierre alignées face au fleuve, offre des perspectives grandioses, particulièrement saisissantes sous la lumière du matin. C’est le choix de la puissance architecturale et de la composition classique.
Deschambault, quant à lui, offre une ambiance plus intime, celle du village seigneurial animé. Son Vieux Presbytère, son Magasin Général et ses ateliers d’artisans invitent à la flânerie. C’est le lieu idéal pour le photographe de paysages vivants et le gourmand curieux. La lumière de fin d’après-midi y est particulièrement douce, caressant les toits et révélant la texture des bâtiments anciens. C’est le choix du charme, de la vie locale et de l’authenticité gourmande. Le choix n’est donc pas entre deux beautés, mais entre deux caractères bien trempés du patrimoine québécois.
Sanctuaire de Notre-Dame-du-Cap : pourquoi s’y arrêter même si vous n’êtes pas croyant ?
À mi-chemin, près de Trois-Rivières, se dresse l’imposant Sanctuaire de Notre-Dame-du-Cap. Pour beaucoup, la mention de « sanctuaire » évoque un lieu de pèlerinage réservé aux croyants. Ce serait une erreur de le contourner pour cette seule raison. En tant qu’historien, je vous invite à y voir bien plus qu’un lieu de culte : un carrefour patrimonial et une oasis de quiétude unique sur le parcours.
Le sanctuaire est avant tout un site historique remarquable. À proximité immédiate de la basilique moderne, on trouve des bâtiments datant du 18e siècle, témoins directs de l’époque de la Nouvelle-France. La Maison Rocheleau, par exemple, est l’un des plus anciens édifices de la région de Trois-Rivières. Elle n’est pas qu’une vieille pierre ; elle vit au rythme d’un programme culturel riche, avec des ateliers et des présentations historiques qui ancrent le lieu dans son passé. L’arrêt au sanctuaire devient alors une pause culturelle, une plongée dans le quotidien des premiers habitants.
Au-delà de l’histoire, le site offre une alternative bienvenue aux aires de repos fonctionnelles de l’autoroute. Ses vastes jardins paysagers, ses fontaines et le calme qui y règne invitent à une pause contemplative, gratuite et ressourçante. L’architecture de la basilique elle-même, avec ses vitraux exceptionnels, peut être appréciée pour sa valeur artistique et technique, indépendamment de toute considération spirituelle. S’arrêter ici, c’est s’offrir un moment de paix et d’histoire, une respiration nécessaire dans le long ruban du Chemin du Roy.
Les 3 boulangeries ancestrales où s’arrêter entre Trois-Rivières et Québec
Poursuivre le voyage sur le Chemin du Roy, c’est aussi se lancer dans une forme d’archéologie gourmande. La route est jalonnée de trésors culinaires qui racontent l’histoire du terroir. Parmi eux, les boulangeries artisanales tiennent une place de choix, offrant bien plus qu’un simple pain : un goût d’antan. Voici comment dénicher ces pépites, en se concentrant sur la portion la plus riche entre Trois-Rivières et la Capitale-Nationale.
Plutôt qu’une liste exhaustive, voici une méthode en trois temps pour une quête réussie :
- L’incontournable : la Boulangerie Guay à Deschambault. C’est une institution. S’y arrêter, c’est goûter à l’histoire. Leur pain de ménage ancestral et leurs pâtisseries traditionnelles sont la quintessence des saveurs d’autrefois. C’est le point de départ parfait pour éduquer son palais à l’authenticité.
- La chasse au trésor : le four à bois visible. En traversant les villages, gardez l’œil ouvert. Une boulangerie qui expose fièrement son four à bois est souvent un gage de qualité et de respect des traditions. N’hésitez pas à demander aux habitants où se trouve « la » bonne boulangerie du coin. Le secret le mieux gardé est souvent le meilleur.
- L’expérience ultime : l’arrivée du pain chaud. Pour vivre une expérience mémorable, synchronisez votre passage. Le samedi matin, aux alentours de 10h, est souvent le moment magique où le pain sort du four. L’odeur qui embaume la rue est une invitation irrésistible. Saisissez un pain de seigle encore chaud et complétez votre butin dans une fromagerie locale pour un accord parfait.
Cette quête du pain ancestral n’est pas qu’une pause gourmande. C’est une manière de se connecter directement à l’héritage agricole et artisanal de la région, un fil d’Ariane savoureux qui nous relie au quotidien des habitants de la Nouvelle-France.
Pourquoi faire le Chemin du Roy en automne offre les meilleures couleurs du corridor fluvial
Le Québec est célèbre pour ses couleurs automnales, mais les vivre depuis le Chemin du Roy est une expérience d’une intensité particulière. L’automne transforme la route en une œuvre d’art éphémère, où le patrimoine bâti et la nature flamboyante dialoguent de manière spectaculaire. C’est, sans conteste, la meilleure saison pour entreprendre ce voyage dans le temps.
La magie opère grâce à une combinaison unique de facteurs. La proximité du fleuve Saint-Laurent crée un microclimat qui prolonge souvent la saison des couleurs, tandis que la végétation luxuriante, un mélange de conifères sombres et de feuillus éclatants, offre un contraste saisissant. Le tracé de la route elle-même, sinueux et intime, crée par endroits de véritables tunnels de feuilles d’or et de pourpre, offrant une immersion totale.

L’automne est aussi la saison de l’agrotourisme par excellence. C’est le moment des récoltes. Les abords de la route, notamment dans le secteur de Neuville, se parent de kiosques de fruits et légumes. Des arrêts comme le comptoir maraîcher Chez Médé de la ferme Langlois & Fils deviennent des étapes obligées, où les couleurs de la nature se retrouvent dans les étals de courges, de pommes et de maïs. Selon les experts du tourisme québécois, la période idéale pour admirer les couleurs s’étend de fin septembre à mi-octobre, offrant une fenêtre parfaite pour combiner splendeur visuelle et plaisirs gourmands.
Les maisons colorées des villages, typiques de l’architecture québécoise, semblent répondre aux teintes des érables, créant une harmonie visuelle qui donne un cachet unique au trajet. Faire le Chemin du Roy en automne, c’est assister à la rencontre sublime entre l’œuvre de l’homme et celle de la nature.
L’erreur d’entrer en voiture dans les remparts en plein mois de juillet
Après avoir savouré les kilomètres d’histoire du Chemin du Roy, l’arrivée à Québec marque l’apothéose du voyage. Cependant, c’est ici que de nombreux voyageurs commettent une erreur logistique qui peut ternir l’expérience : tenter de pénétrer en voiture dans le Vieux-Québec en pleine saison estivale. Les rues étroites, la foule et le manque de stationnement transforment rapidement le rêve en cauchemar. L’historien aguerri, comme le voyageur avisé, sait qu’il faut aborder la citadelle avec stratégie.
L’approche la plus sage consiste à considérer les remparts comme une frontière sacrée, à ne franchir qu’à pied pour en préserver la magie. Tenter de s’y garer entre 11h et 15h en juillet ou en août est une gageure. La frustration générée par la recherche d’une place et la circulation au pas efface le plaisir de la découverte. La solution est de laisser son véhicule à l’extérieur et d’aborder la ville historique avec le rythme lent qu’elle mérite.
Pour éviter cette frustration et commencer votre exploration du bon pied, une planification minimale s’impose. Voici la méthode à suivre pour une arrivée sereine.
Votre plan d’action pour conquérir le Vieux-Québec sans stress :
- Choisir un stationnement stratégique : Garez-vous à l’extérieur des murs. Les options les plus pratiques sont le parc de l’Esplanade ou le stationnement souterrain de l’Hôtel de Ville.
- Apprécier la marche d’approche : Utilisez les 10 à 15 minutes de marche pour entrer dans la ville comme un sas de décompression, une introduction graduelle à l’atmosphère unique du Vieux-Québec.
- Utiliser l’alternative du Funiculaire : Garez-vous plus facilement en Basse-Ville, près du Marché du Vieux-Port, et utilisez le Funiculaire pour monter en Haute-Ville sans effort, en profitant d’une vue spectaculaire.
- Éviter les heures de pointe absolues : Si vous devez absolument utiliser la voiture, faites-le avant 10h ou après 16h durant la haute saison (juillet-août) pour minimiser les embouteillages.
- Considérer les navettes estivales : En haute saison, renseignez-vous sur les parkings périphériques qui offrent souvent des services de navettes gratuites ou à faible coût vers le centre historique.
En adoptant cette approche, vous transformez une contrainte logistique en une partie intégrante et agréable de votre visite.
Pourquoi cette région est-elle le berceau du concept des Arrêts Gourmands ?
Le terme « Arrêts Gourmands » pourrait sonner comme un concept marketing moderne, une étiquette touristique inventée pour attirer les visiteurs. Ce serait ignorer la profonde vérité historique qui se cache derrière. Le corridor du Chemin du Roy n’est pas une région gourmande par hasard ; il est le berceau de cette tradition par nécessité historique, un héritage direct de son aménagement sous le régime seigneurial.
Pour comprendre, il faut remonter au 18e siècle. La construction du chemin à partir de 1731 avait pour but premier de relier les seigneuries établies sur la rive nord du Saint-Laurent. Chaque seigneurie était un microcosme, une unité territoriale qui se devait d’être largement autosuffisante. Les habitants, les censitaires, cultivaient la terre pour nourrir leur famille et payer leurs redevances. Cette organisation a forgé une culture de l’agriculture locale et des circuits de production et de consommation extrêmement courts.
Ce qui était autrefois une nécessité de survie est devenu aujourd’hui un art de vivre. Les fermes, les vignobles, les fromageries et les boulangeries qui ponctuent la route 138 sont les héritiers directs de cette tradition d’autosuffisance. Le concept d’ « Arrêt Gourmand » n’est donc que la formalisation moderne d’une pratique séculaire. En vous arrêtant chez un producteur, vous ne faites pas que du magasinage ; vous participez à la perpétuation d’un système économique et social qui a façonné le Québec rural. Ce n’est pas un hasard si, selon le journal Le Soleil, le corridor de la Route 138 compte aujourd’hui plus de 30 producteurs agricoles et vignobles, une concentration qui témoigne de cette vitalité historique.
À retenir
- Le Chemin du Roy n’est pas une perte de temps, mais un investissement dans une expérience historique immersive.
- L’agrotourisme de la région est un héritage direct du système seigneurial de la Nouvelle-France.
- Une bonne planification (saison, arrêts, parking à Québec) est la clé pour transformer le trajet en un souvenir mémorable.
Comment visiter le Vieux-Québec à pied sans rater les trésors cachés de la Basse-Ville ?
Vous avez suivi le Chemin du Roy, vous avez déjoué les pièges de la circulation, et vous voilà enfin prêt à conquérir à pied le joyau de la couronne : le Vieux-Québec. La plupart des visiteurs se contentent de suivre le flot touristique, de la terrasse Dufferin à la Place Royale. Mais l’historien curieux sait que les véritables trésors se cachent dans les ruelles méconnues, surtout en Basse-Ville. Voici un itinéraire pensé pour une exploration optimisée et riche en découvertes.
La clé est de commencer par la Haute-Ville et de descendre progressivement. Cela évite la montée éreintante en fin de parcours et transforme la visite en une douce descente à travers les siècles. Voici un parcours en quelques étapes pour ne rien manquer :
- Empruntez les escaliers méconnus : Au lieu du célèbre « Casse-Cou », optez pour l’escalier du Faubourg ou l’escalier Lépine. Moins fréquentés, ils offrent des perspectives uniques et un sentiment de découverte.
- Explorez la rue Sous-le-Cap : C’est sans doute la ruelle la plus insolite de Québec. Coincée entre la falaise et les maisons, ses passerelles reliant les habitations créent une ambiance quasi vénitienne. Un secret bien gardé.
- Trouvez l’oasis du Séminaire : Poussez la porte de la cour intérieure du Séminaire de Québec. Accessible au public, c’est une bulle de silence et de sérénité architecturale en plein cœur de l’agitation.
- Ne manquez pas la rue du Cul-de-Sac : Juste à côté de la Place Royale, cette petite rue en forme de V, avec son immense fresque murale, est souvent oubliée des touristes pressés. Elle offre pourtant un point de vue parfait sur le Château Frontenac.
- Jouez au détective historique : Tout au long de votre parcours, transformez la visite en jeu de piste. Essayez de repérer au moins trois plaques historiques qui racontent des anecdotes insolites sur les lieux. C’est la meilleure façon de faire parler les pierres.
En suivant ce fil conducteur, votre visite à pied du Vieux-Québec ne sera pas une simple promenade, mais la conclusion logique de votre voyage sur le Chemin du Roy : une immersion finale et intime au cœur de l’histoire de la Nouvelle-France.
Maintenant que vous détenez les clés pour transformer ce trajet en une véritable aventure temporelle, il ne vous reste plus qu’à choisir une date, préparer votre monture et vous lancer sur les traces des pionniers. Chaque kilomètre parcouru sera une page d’histoire tournée.